
Suivre Nicolas Dolteau sur Facebook |
J'aime cet article |
Je vous plante le décors façon Jean Rochefort dans Les boloss des belles lettres.
Solal est un beau gosse de ouf qui pèse dans le game, sous-secrétaire à la Société Des Nations qu’il est. Tu parles si avec ça il a besoin de l’ouvrir pour faire chavirer le coeur des petites. En plus de ça il est riche, il a joué les Kerviel et son compte boursorama est garni comme un kebab. Autant te dire qu’elles sont toutes pendues à son slip quand il pose des magnums de Belvedere au VIP Room.
Mais le Solal il fait une fixette sur Ariane qu’il a croisé en despi à un afterwork. Sauf qu’Ariane elle est marié, c’est la meuf d’Adrien, un de ses employés un peu teubé. Il s’introduit chez elle un soir pour la séduire juste à la tchatche, déguisé en vieux, car il en a marre d’attirer que des michetos. Il la veut pure comme de la blanche du Guatemala sa Ariane.
T’imagines ? Un clochard débarque dans ta chambre en pleine nuit, il a beau chanter comme Jacques Brel, t’appelles les flics direct. Ça ne loupe pas, la belle Ariane elle lui jette un verre dans la tronche. « Ah ouais, c’est comme ça ? » qu’il lui fait, la gueule en sang, déçu que ses punch-lines de lover elles aient pas scorées « Et bien tu vas voir, je vais te pécho salement, comme n’importe quelle greluche. »
Vous avez saisi ? Ok, je vous la refais en clair. Un homme tombe amoureux d’une femme mariée. Il lui fait une déclaration en lui cachant sa beauté et son statut, elle refuse ses avances, il se découvre et lui annonce qu’il va la séduire par les sales moyens qui leur plaisent à toutes. Le drame se joue dans les années 30 mais il n’y a pas plus intemporel. Je vous ai spoilé le premier chapitre mais rassurez-vous, le livre est colossal, c’est un monument : plus de mille pages en poche.
Au titre et à la couverture, on pourrait croire à une histoire d’amour à l’eau de rose. Erreur, ce n’est pas une histoire d’amour, c’est une histoire de non-amour, une charge contre la passion -l’amour chimiquement pur. Cohen, clairvoyant et cynique, qui montre les mécanismes qui régissent le désir fonctionner avec insolence à l’air libre. Exhibition des mécanismes de séduction par une démonstration magistrale de Solal, qui expose tout en l’exécutant la façon dont il baratine Ariane, puis exhibition tout au long du roman des rouages du désir. Albert Cohen exhume les problématiques liées à la passion amoureuse et au couple pour les jeter à la tête du lecteur insouciant qui faisait mine de ne pas les voir dans sa propre vie : passion, sensualité, trahison, jalousie, ennui.
Je passe sur le style, fou, protéiforme, oral -Cohen dictait son livre à sa femme, marchant de long en large dans sa chambre. Je passe sur l’humour. Je passe sur le religieux. Je passe sur la farce sociale. Pour moi, le génie de Cohen réside dans sa description du mouvement des âmes. Toi qui comme Solal es en quête d’absolu, toi qui te poses des questions sur l’amour et sur le couple, lis ce livre, c’est un ordre. Tu passeras probablement par une période au pire de déprime passagère, au mieux de questionnement nocturne, mais tu renaîtras plus endurci aux coups que la vie ne manquera pas de te donner. Chef d’oeuvre.
Je veux recevoir plus de conseils (gratuit)
Rejoins mes lecteurs privilégiés, et comme eux reçois chaque mois des vidéos et du contenu exclusifs et les dernières nouvelles de mon site.
